Les codes des milongas à Buenos Aires

Article écrit le 18/11/2012 et mis à jour le 30/10/2012

Pour passer une bonne soirée dans un bal traditionnel (milonga) à Buenos Aires, il y a quelques petites choses à savoir.
Ca a l'air assez strict, voire très rigide, mais lorsque l'on se prend au jeu, c'est vraiment intéressant la liberté que cela donne à la femme (de choisir vraiment pour chaque tanda avec qui elle voudrait danser et, ainsi, "construire sa soirée"), comme à l'homme (ne pas se prendre des râteaux en public et perdre la face, laisser à la femme montrer aussi son désir de danser avec lui...).
Cette description peut paraître un peu cruelle, mais en fait bon nombre de touristes arrivent en conquérants sans avoir pris le soin de s'informer sur les coutumes du lieu où ils arrivent. Ils ne respectent pas les usages, ne respectent pas le bal, cognent les uns, les autres, prennent des risques avec leur danseuse, sentent la transpiration...
Si ces codes existent, ils ont leur raison d'être et ils montrent à quel point le tango est une danse sociale. De plus, quel est l'intérêt de faire tant de kilomètres, de payer un tel voyage, si c'est pour faire comme à la maison ?
Avant de partir pour la première fois, j'ai demandé à des copines argentines ce qu'elles avaient comme conseil à me donner. Elles m'ont dit : "n'accepte jamais une invitation à la table et fais-toi inviter et invite avec le cabeceo, tu verras, ça te permet de construire ta soirée". C'était du chinois pour moi, mais je me suis dit que j'allais essayer d'expérimenter leur conseil.
D'habitude, je parle de guider et de guidé, mais dans la configuration d'une milonga traditionnelle, ces rôles seront sexués, le guider étant l'homme et le guidé étant la femme. 
Voici le résultat de cette expérience, quelques voyages et quelques discussions plus tard !

La table
Pour ne pas passer toute la soirée debout dans certains lieux traditionnels, il est préférable de réserver sa table. Si l'on veut danser seulement en couple, on prend une table pour deux en précisant que l'on est en couple.
Si l'on souhaite danser avec d'autres personnes, on prend une place séparée : l'un avec les hommes, l'autre avec les femmes.

Se préparer
Les danseurs porteños traditionnels sont souvent très sensibles au soin apporté pour aller danser. Ils apprécient que l'on s'habille (pantalon classique et chemise, voire veste, pour les uns ; tenue un peu recherchée pour les unes) et attachent une attention particulière aux odeurs. Pour se sentir impeccables, bon nombre d'entre eux s'offrent une petite douche après une sieste tardive, puis un peu de parfum (pas trop), du déodorant et le passage obligatoire par la brosse à dents (voir plus loin le pourquoi;) et les Tics-Tacs, obligatoires pour les fumeurs.

L'arrivée à la milonga
- Il y a une heure limite jusqu'à laquelle la réservation est valable. Si l'on arrive plus tard, en général, on se retrouve mal placé ou sans table, car les habitués sont déjà arrivés ou sur le chemin (avec tout le monde debout devant soi) et car ceux qui n'avaient pas réservé ont reçu notre table.
- Généralement, les danseurs arrivent avec leurs chaussures de danse déjà aux pieds. Ceux qui souhaitent changer de chaussures vont la plupart du temps aux toilettes pour le faire. La plupart du temps, la dame pipi a installé une chaise pour faciliter l'opération (voir plus bas, la rubrique toilettes ;). Se changer devant tout le monde est plutôt caractéristique que des touristes et un bon moyen de se faire repérer comme tel.
- Après avoir payé l'entrée (préparer de la monnaie, cela évite de perdre du temps et de se faire recaler lorsque l'on arrive avec un billet de 100 pesos), on se dirige vers le vestiaire si l'on a un sac un peu plus gros qu'un petit sac à main pour ne pas déranger la circulation du bal car, comme vous pourrez le constater, les chaises sont très serrées pour permettre d'avoir la piste la plus grande possible. En général, il n'est pas possible de voir la piste avant d'avoir payé (quelques marches à El Beso, derrière la porte à Canning, derrière le rideau du feu Maipu...).

Le placement
- A l'entrée même de la salle de danse ou près du bar, on attend la personne qui organise la milonga afin qu'elle nous place. En aucun cas, l'on arrive et s'assoit car une place a l'air libre.
En général, la plupart des bonnes places (près de la piste, "a la pista") sont prises ou réservées par les habitués bons danseurs et vous vous feriez de toutes manières déplacer et remarquer (dans les milongas, les habitués voient tout, ils se connaissent, ils savent qui est nouveau, qui fait quoi...). La personne qui place arrive, vous demande votre prénom et vous emmène à la table qui vous a été réservée. Si vous n'êtes pas connu, vous vous retrouvez en 2ème, voire 3ème rangée de tables, c'est-à-dire à un endroit d'où il est difficile d'inviter et de se faire inviter.

- Si vous ne vous asseyez pas à deux, on vous emmène du côté de la piste où se trouvent les personnes de votre sexe. A moins que vous n'ayez des amis officiels, on vous met à une table avec des personnes dont on évalue l'origine et le niveau de danse proches des vôtres. Il y a donc parfois certaines soirées à El beso avec les danseuses argentines ou porteñas, c'est-à-dire étrangères, mais résidant depuis un moment à Buenos Aires d'un côté et les touristes de l'autre, mais respectant toujours l'ordre décroissant de niveau par rapport à la piste.
Si vous êtes en couple, on vous met au fond de la salle car on sait que vous n'avez pas besoin d'inviter puisque vous êtes ensemble. C'est-à-dire que si vous souhaitez danser avec d'autres personnes, vous devez vous asseoir séparément et donc réserver deux tables.
- Une fois placé, on s'assoit en restant en ligne, c'est-à-dire que l'on n'avance pas le torse pour se faire voir par les danseurs/euses. On reste le dos contre le dossier de la chaise. Pourquoi rester en ligne ? Car comme cela tout le monde a ses chances de danser. Quand quelqu'un se met trop en avant on dit "me tapa", ça signifie qu'il nous cache, ce qui n'est pas très sympathique pour les autres.
On verra directement que vous n'êtes pas habitué(e) et là, seuls les touristes ou les requins à touristes vous inviteront, en général en venant directement à votre table, ce qui appuiera votre réputation de touriste et fera baisser le nombre de personnes souhaitant vous inviter, car vous ne vous êtes pas intéressé au fait de respecter l'endroit où vous arrivez.
- La plupart des femmes mettent leur sac à main sur la table, les hommes y laissent leurs clés de voiture et parfois leur téléphone. Il y a souvent deux nappes. Sous la première qui est plus petite, on met les tickets de tombola et si on part avant le tirage, on donne son ticket de tombola à un(e) ami(e). il arrive aussi que les hommes mettent leur téléphone et leur porte-monnaie entre les deux nappes car il est très désagréable de sentir quelque chose de dur près des cuisses pendant la danse et car cela peut prêter à confusion.

L'invitation à danser en Tango Argentin : le cabeceo
La nouvelle "tanda" (série de morceaux du même orchestre) vient de commencer. A peine les danseurs ont-ils reconnu l'orchestre ou le morceau qu'ils se retournent vers la personne qui leur semble la plus appropriée pour danser cette série-là avec eux. Ils n'ont pas honte de commencer, d'être les premiers sur la piste et de danser un moment seuls, au contraire, c'est un des moments de liberté sans la contrainte de tous les danseurs alentours. La piste se remplit assez rapidement et la présence des danseurs va bientôt rendre impossible le fait de s'inviter à distance si notre cible n'est pas à proximité.
Le cabeceo (prononcer "cabésséau" et il y a plusieurs manières de l'écrire), vient du mot "cabeza", la tête. Les deux personnes se regardent, l'homme baisse légèrement la tête en continuant à fixer la femme des yeux (avec parfois un air assez grave, mais ce n'est pas obligatoire ;).
Si elle souhaite danser avec lui, la femme lui répond par le même geste de la tête. On ne vient normalement jamais "inviter une femme à la table", surtout si l'on ne souhaite pas se retrouver planter devant tout le monde par sa danseuse potentielle. Le fait de faire signe de loin est une marque de respect du désir de la femme et de la possibilité qu'elle peut avoir de le manifester à distance.
Vous pouvez jeter un oeil sur cette vidéo, mais, dans mon expérience, le premier signe de tête fait par la femme émane normalement de l'homme et la femme lui répond en miroir.

L'homme se lève et vient jusqu'à la table pour chercher la femme. La femme attend qu'il soit à sa table pour se lever, cela évite, au cas où ça serait en fait une voisine qui était désignée, de perdre la face. En cas d'erreur, où l'on se lève sans être la personne désignée, on m'a dit, malgré tout ce qui sera dit par la suite, que le meilleur refuge, ce sont les toilettes.
Si tout s'est bien passé, la femme se lève (souvent, elle décolle sa robe/jupe de son postérieur:), le cas échéant, ils s'embrassent (une bise sur la joue droite) pour se saluer, s'enlacent lentement et commencent à danser).
Si vous ne souhaitez pas danser avec la personne qui vous regarde intensément, vous faites comme si de rien était, comme si vous ne la voyez pas et vous regardez ailleurs.
Si la personne continue à vous regarder, vous continuez à ignorer.
Il faut être clair dans l'expression de son désir, mais pas lourd. Si vous souhaitez danser avec quelqu'un, qu'il est évident que la personne vous a déjà vu(e), passez votre chemin !
Cela veut soit dire que la personne ne veut pas danser avec vous, soit qu'elle ne vous a pas encore vu danser. Vous avez manifesté votre désir, il a été perçu par l'autre, laissez-le faire à présent. Il/elle ne dansera pas cette tanda avec vous, ni peut-être la prochaine, ni la suivante... laissez-lui le temps de vous voir et d'évaluer son envie. Il est arrivé que j'attende longtemps (plusieurs années), pour que quelqu'un danse avec moi. C'est ainsi. En tant que touriste, chaque nouveau séjour est une nouvelle chance, ce qui n'est pas forcément le cas des personnes sur place, autant en tirer le meilleur :)
N'hésitez pas à consulter cet article qui détaille plus encore cette pratique.

La circulation en bal
L'homme aura pris soin de vérifier qu'il ne dérange pas les couples autour avant de faire son premier pas. Il ne commence pas sa danse par un pas de côté, afin d'éviter de "casser la deuxième ligne" de danse. Une fois sa ligne de danse choisie, il reste derrière le même danseur pendant toute la tanda, sauf s'il s'agit de quelqu'un qui ne respecte pas le bal, il arrive alors de chercher un autre couple pour être devant ou derrière afin d'éviter de se faire rentrer dedans.
On ne fait donc pas de pas qui nous amènent sur les autres lignes de danse, de même que l'on ne recule pas ni que l'on colle le couple de devant.
Si l'on prend un risque avec la danseuse, elle a assez l'habitude pour savoir ce qu'il en est. Une erreur est possible, mais un état d'esprit qui peut amener à blesser les autres danseurs ou à être blessée se ressent et implique soit que la femme arrête de danser pendant la tanda, soit que ce soit la dernière fois qu'ils dansent ensemble.

L'abrazo
Dans les milongas traditionnelles, on danse généralement en "apilado", c'est-à-dire l'un contre l'autre, un peu appuyé, ou en "salón", c'est-à-dire l'un contre l'autre, mais en prenant parfois un peu de distance pour effectuer certains pas avec plus de confort. Si, à un moment, l'un des deux bouge le bras qu'il a dans le dos de l'autre, l'autre est sensé bouger le sien pour se raccommoder à son tour. Ce n'est pas à prendre personnellement, il est naturel de changer de position et il ne faut pas tout de suite se dire que tout va mal. Le fait de bouger en miroir aussi montre à l'autre que l'on cherche aussi le confort et que l'on est à son écoute.
L'endroit où vous posez votre main peut être déterminant pour que les personnes acceptent ou non de danser avec vous. En ce qui me concerne, si je vois qu'un garçon laisse descendre sa main en dessous de la ceinture des autres femmes, j'aurais du mal à danser avec lui. Tout d'abord car je ne souhaite pas forcément qu'il sache quel type de sous vêtements je porte, mais aussi car cela peut donner l'impression que tout le monde peut me toucher le postérieur, ce qui n'est pas le cas ;)
C'est quelque chose de rédhibitoire pour beaucoup des femmes, même si elles aiment bien la personne et souhaiteraient danser avec s'il n'y avait ce "détail".
Dans une milonga traditionnelle, en raison du manque de place et donc de la technique parfois exclusivement en fermé que cela a amené les danseurs à développer, on dansera exclusivement en fermé. C'est essentiellement des touristes ou des argentins dansant avec des touristes et souhaitant leur proposer des cours qui danseront en ouvert. C'est assez mal perçu, car cela ne respecte pas l'espace de tout le monde, la danse en ouvert nécessitant généralement plus d'espace.

Entre deux danses
Les porteños parlent entre deux danses, c'est même un art.
L'homme engage souvent la conversation en demandant des nouvelles et à chaque nouvelle pause, c'est souvent lui qui la relance. Il en est même qui disent que le sujet de conversation de la pause peut faire l'objet d'une vraie réflexion pendant la danse, au point qu'il leur devient difficile d'être dedans.
On se parle face à face, à quelques centimètres du visage (une quinzaine à peu près), d'où l'importance des Tic-tac sur la table et de la brosse à dents mentionnée ci-dessus, particulièrement pour les fumeurs. Tout le monde sent bon et chaque exception est mal perçue. Quelques personnes recommencent rapidement à danser pendant que d'autres continuent à parler. Si l'on commence rapidement, connaître une grande variété de tours et de petits pas à faire sur place peut être d'une grande aide, car, en général, on ne change pas de place. On doit donc trouver un moyen de danser sur place.
Je me suis souvent demandé ce que signifiaient ces conversations. En général, je connais plus de choses sur mes danseurs de Buenos Aires que sur ceux que je vois en bal à Paris, justement en raison de cette habitude.
Initialement, les jeunes femmes allaient danser avec leurs mères. Le seul moment où garçons et filles se parlaient, c'était entre deux danses. C'est donc devenu un art de parler au début de chaque danse (sauf la première si elle est en début de tanda)
Actuellement, les hommes et les femmes étant séparés pendant le bal, c'est parfois le seul moment d'avoir un échange ou bien aussi le seul moment d'intimité. Peut-être est-ce l'élégance de montrer à l'autre qu'il nous plaît aussi comme personne et pas seulement comme danseur.
Si vous n'appréciez finalement pas de danser avec cette personne, soit dans l'absolu, soit cette fois-là, la conversation peut être un bon moyen de limiter le temps de danse et donc le désagrément de cette danse :)

Arrêter de danser pendant une tanda
Si rien de particulier ne se passe, on n'arrête jamais de danser avant la fin d'une tanda. Il faut que la personne soit vraiment désagréable pour que l'on cesse. Les tandas sont de 3 (valses et milongas seulement) ou 4 morceaux et ce qui vaut souvent en Europe et aux Etats-Unis avec la règle des 3 tangos minimum pour ne pas faire d'affront a pour équivalent de danser jusqu'à la fin de la tanda dans les milongas traditionnelles.
Quand on ne sait pas si on aimerait danser avec quelqu'un, on peut faire en sorte de ne danser que la dernière danse ou l'avant dernière de la tanda. Ainsi, si c'est agréable, on réinvite par la suite, si c'est désagréable, on n'a pas vécu cela pendant trop longtemps pour que ce soit problématique. Il arrive en effet que certains personnes, particulièrement en fermé, puissent vraiment nous bousculer et nous coincer une vertèbre pour le reste de la soirée.
Arrêter de danser avec quelqu'un quand il y a vraiment une "erreur de casting" (la danse fait mal ou bien il n'y a pas de respect de la piste, on rentre dans les autres ou encore l'autre bouge sa main à des endroits de votre corps ou d'une manière qui vous dérangent...), peut être un moyen de montrer que l'on est quelqu'un qu'il faut respecter, ce qui est respecté par les personnes qui sont témoin de la scène.
Si c'est à vous que cela arrive et que l'on vous laisse en plan : direction les toilettes !

La fin de la tanda
La dernière danse de la tanda arrive. On se remercie, on trouve une dernière gentille chose à dire et l'on peut signifier que l'on pourrait se retrouver sur des milongas ou sur du Di Sarli.... et l'homme raccompagne la femme à sa table.
Ca peut paraître étrange, mais après avoir partagé quelque chose de chouette, d'intime, voire profond, avec un homme et se retrouver seule au milieu des couples dont l'homme raccompagne la femme peut donner un vrai sentiment de solitude que l'on a parfois pas envie d'affronter de nouveau, même si la danse a été plaisante. Certaines danseuses ne dansent pas avec les hommes qui s'épargnent cette pratique.

Les tandas et la cortina*
Tout le monde retourne donc à sa place et on discute avec les voisins. Lorsque la musique retentit de nouveau, toutes les têtes se tournent une fois encore et le manège reprend.
Le rythme de la musique est généralement le suivant :
- 4 tangos d'un orchestre
- Cortina*
- 4 tangos d'un autre orchestre
- Cortina
- 3 voire parfois 4 valses selon les Dj, normalement d'un seul orchestre
- Cortina
- à nouveau 2x4 tangos
- Cortina
- 3 milongas, là encore, normalement d'un seul orchestre
- Cortina
- eventuellement, à un moment de la soirée, une tanda de salsa/rock/cumbia vient s'intercaler après 2 séries de tangos et avant 2 nouvelles séries.

Normalement, en bal, on danse trois tandas maximum avec quelqu'un. Si l'on en danse plus, cela peut mener à confusion car cela peut signifier que l'on ne souhaite plus limiter la relation à la danse. L'autre croira qu'il y a des ouvertures pour aller "boire un café" (voir plus bas).
Si ce n'est pas votre intention, cela pourrait s'apparenter au fait d'allumer l'autre, ce qui peut être mal pris si c'est sans suite.
Par ailleurs, comme tout le monde voit tout, ou presque, les danseurs vont cesser d'inviter la femme (sacar a bailar) pour le reste de la soirée car ils voient que l'homme a une intention et ils ne veulent pas empiéter sur son terrain.

*Cortina : musique signifiant que la tanda est terminée, tout sauf du tango : rock, salsa, musique de film...

Les toilettes
Le lieu qui nous sert, le cas échéant, de retraite, ce lieu où l'on attend parfois que quelqu'un parte pour regarder un détail déplaisant dans le miroir ou pour faire je ne sais quoi, cet espace d'intimité improbable en tout endroit classique de la planète est ici gardé par des professionnels de la profession. Les dames pipi des toilettes de l'autoroute belge, celles des jardins publics et des plus grands hôtels ont tout à apprendre dans les bals des milongas les plus prisées !
Suréquipés, les gardien(ne)s du temple sont prêts à tout pour vous satisfaire : bonbons, chewing-gums, aspirine, ibuprofène, bagues, boucles d'oreille, cigarettes, vêtements et d'autres choses encore sont en vente. Rouge à lèvres, papier toilette, déodorant, sopalin... sont à disposition à l'extérieur de la cabine.
Avec un tel trésor, le gardien ne quitte jamais son temple. Il vous regarde vous regarder, il entend vos conversations avec les personnes du même sexe, connaît votre odeur et vos bruits les plus intimes, vos habitudes, vos mesquineries, vos complexes par le coup d'oeil jeté au miroir avant de partir... Dans le haut lieu de l'observation qu'est la milonga, aucun répit solitaire n'est possible, pas même aux toilettes, souvent sans verrou d'ailleurs...
La tradition veut que l'on laisse un pourboire en partant, alors pour ceux qui n'en ont pas l'habitude, il n'est pas rare de dire 2 semaines de suite à la personne qui vous sourit que l'on a encore oublié. Le pourboire, c'est pour le papier toilette qui vous est parfois directement remis en main propre, ainsi que l'essuie-main.
Les mam' et m'iseur pipi payent normalement, plus ou moins officiellement, leur droit de travailler en ces lieux. Parfois, ils suivent les organisateurs d'un endroit à l'autre, en fonction du jour.

Les rocks et autres salsas, chacareras...
C'est souvent frustrant, en tant que touriste qui aime d'autres danses, de rester assis pendant dix minutes à regarder les autres danser alors que l'on sait que ce sera la seule série de la soirée. Rares sont les touristes qui dansent autre chose, alors personne n'imagine que ce ne soit pas notre cas.
Ces tandas arrivent en général au début du dernier tiers de la soirée, juste avant ou après le sorteo (tirage au sort), donnant souvent droit à une bouteille de vin blanc pétillant qu'ils appellent Tchanpane (malgré ce nom usurpé, cela n'a rien d'un champagne :)
En général, les personnes de la table ou des tables alentours réunissent leurs tickets pour partager le lot et on donne son ticket aux amis avant de partir si c'est avant le tirage au sort.

Les premières fois
Quand on est à Buenos Aires pour la première fois, il y a éventuellement quelques touristes et quelques argentins qui nous connaissent et peuvent nous inviter. Cela signifie, si l'on souhaite aller dans les lieux plutôt traditionnels que c'est à nous de montrer que nous respectons les codes afin de danser avec des personnes avec lesquelles on n'a pas l'occasion de danser ailleurs.
Cela demande du temps, de l'énergie et de la détermination.
C'était sûrement plus facile il y a quelques années lorsqu'il n'y avait moins de touristes de pouvoir vraiment danser avec des porteños dont l'objet n'est que de danser et pas de proposer des cours ou d'autres services. Le fait d'être reconnu commence lentement et donc il est préférable d'essayer de faire un séjour d'au moins 3 semaines pour faire ce travail de fond.
Pour ne pas être parfois affecté par le fait de ne pas danser autant que l'on le voudrait, il peut être judicieux de dormir suffisamment ;)
Ca peut aussi être bien de mener une double vie : on va dans les bals traditionnels et dans les lieux un peu plus branchouilles pour voir les potes, se programmer des sorties, des piscines, des cafés...
On voit ainsi la milonga et Buenos Aires comme un lieu sociologique où l'on va pour rencontrer et parler avec les voisins de table. Cela peut être un bon moyen de rester relâché et pour vivre une expérience différente de celle que l'on avait prévue, mais qui nous remplit d'une manière parfois bien plus profonde.

Trucs et astuces du guideur
Quand on arrive dans un bal traditionnel, comme tout le monde se connait, on est vite remarqué. Le plus difficile, c´est d´avoir une première danse et pour cela, connaître quelqu'un est assez indispensable, mais on y reviendra. Une fois la première série des danses effectuée, quelques petites astuces peuvent être bienvenues :)
Parmi celles-ci, d´une manière générale, en tant que guidée, je trouve plus agréable de circuler à l´extérieur plutôt que sur les autres lignes du bal. Cependant, quand on ne connait pas quelqu'un et que l´on ne sait pas encore si ca va marcher, ce qui me semble judicieux, c'est de faire la première danse à l´intérieur de la piste, caché par les premières lignes, comme ca si ca ne marche pas très bien, "l'échec" reste discret.
Si ca se passe bien, le danseur regagne la ligne extérieure à partir de la seconde danse. Ca lui évite d´avoir des couples du côté où il ne voit pas et ça permet aux femmes qui ne dansent pas à ce moment de voir qu'il sait danser et de pouvoir l'inviter par la suite.

Les traditions de la milonga

Les nouvelles paires de chaussures
Il y a pas mal de danseurs et danseuses qui ont une petite tradition : lorsqu'ils ont une nouvelle paire de chaussures, ils lui donnent le prénom de la personne avec laquelle ils ont dansé en les portant pour la première fois.

Les anniversaires
Quand quelqu'un fête son anniversaire dans une milonga ou a eu son anniversaire il y a peu (ce sont souvent ses amis qui vendent la mèche en le disant à l'organisateur), il est d'usage de faire une pause pendant le bal pour annoncer l'événement. On passe alors une valse sur laquelle ceux qui sont des amis, des bons copains ou des danseurs habituels de la personne vont danser avec elle quelques mesures. On commence en général par quelqu'un de proche, puis une autre personne vient sur la piste et celle/celui qui a son anniversaire passe ainsi de bras en bras !
Si c'est quelqu'un que vous appréciez, n'hésitez pas à venir faire quelques pas, car c'est mieux qu'il y ait trop de monde que d'avoir peu de gens qui s'aventurent par timidité.

Paragraphes à venir
Plus on écrit, plus on a de choses à partager, alors je vais continuer à compléter ce texte, entre autres avec les thèmes ci-dessous.
- choisir un partenaire de danse
- les qualités du touriste tango (obstination, patience, observation, humour, small talk...)
- Comment réagir quand on vient vous inviter à la table
- comment faire quand ce n'était pas nous qui avions été invité
- Comment préparer son voyage
- rencontrer des gens pour ne pas être seul en bal et se lancer sur la piste
- le "café"

Remerciements
Je remercie tous ceux qui m'ont permis de vivre cette expérience, ont partagé leur passion (particulièrement : Sandra, Gérard, Vivi, Victoria, Noemi, Pedro, Claudio, Ricardo, Diana...) 
Merci aussi à tous ceux avec qui j'ai partagé une tranche de vie, ce qui m'a permis de découvrir d'autres aspects de l'Argentine (Nicolás, Guillermo, Vilma, Sophia, Martin, Eloixa, Maia...).
Peut-être suis-je venue pour la première fois afin de danser, maintenant, c'est surtout pour ceux qui ont été généreux en passant du temps avec moi et en partageant leur ville, leur culture et leur danse que je reviens chaque année.

Buenos Aires
En arrivant, c'est la langue qui m'a accueillie, remplie de chechecheche, les taxis qui abordent à la sortie de l'aéroport, les kiosques où l'on vend les bonbons à l'unité, les cartoneros qui vident les poubelles... A suivre...

Vidéo
J'ai découvert cette vidéo une nuit après un mauvais rêve. Elle m'a replongée dans de très jolis souvenirs, montre mes deux lieux préférées (au début : Maipu 444  qui a été détruite il y a quelques années - à 39s : El Beso) et le tango comme j'aime à le partager à Buenos Aires...


Pour voir des vidéos dont certains couples dansent dans cet esprit, vous pouvez allez sur cet espace.




____________________________

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Me gusta la descripciòn que hacès, de lo mejor y lo peor de nuestras milongas, porque creo que es desde un lugar sensible y de respeto, como porteña, me encanta saber que le pasa a una persona que viene por primera vez a Buenos Aires y entra en este microclima tan especial ,nos separan miles de kilometros, culturas distintas, historias distintas...nos une algo mucho màs fuerte. la pasiòn por la danza, el amor por el tango y quizà lo màs importante y lo que le dà sentido a todo esto, la posibilidad que de tanto en tanto se produzca el milagro de sentir que un abrazo un otro nos conmueve, nos emociona, yo creo que si alguna vez sucede( y claro que sucede!valiò la pena111.
DIANA

Anonyme a dit…

merci pour toutes ces explications et ce dépaysement !! :-)